Soirée du 11 mars 2010 : Compte-rendu de la soirée thématique

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Compte-rendu de la soirée thématique du 11 mars 2010
Mme Fabienne Pinilo (psychologue clinicienne, psychanalyste, coordinatrice du Réseau
Onco Est Parisien) remercie la salle, les intervenants et notre association de mettre en
commun ce thème et d’échanger ensemble.
Mme Michèle Monville (psychanalyste) remercie le Réseau OEP, le Dr Pailler et les
intervenants, se réjouit de cette première soirée thématique organisée dans le cadre de la
nouvelle convention et de la confiance mutuelle qui s’est nouée entre le Réseau et
l’Association, la mise en commun de compétences et de ressources pour l’organisation de
soirées thématiques et la mise en œuvre d’un accompagnement des personnes malades
dont la mobilité est problématique.
Elle présente l’association AFCancer dans ce qu’elle a aussi d’innovant pour St Maur-desFossés et le Val de Marne :
– un lieu en ville proche des transports, lieu d’écoute des malades, des proches, y compris
les enfants de parent malade, et des soignants dans tous les moments de la maladie
– tenu par des psychanalystes et d’ancien(ne)s malades.
Mme Monville ajoute qu’avec Mme Pinilo, elles vont s’efforcer de rédiger un compte-rendu de
ces soirées afin de laisser une trace du travail accompli par les intervenants au sein de cette
alliance réseau-association.
Le Dr Marie-Christine Pailler (oncologue) et médecin coordinateur du réseau OEP, ouvre
les débats en précisant que les interventions et les questions de la salle suivront, en quelque
sorte le parcours de soin du malade :
– « les praticiens hospitaliers », questions
– « les structures intermédiaires », questions
– « la ville », questions.
Elle donne alors la parole au Dr Fadila Demil, oncologue, radiothérapeute,
Mme Demil précise que la médecine palliative est une médecine à part entière, riche dans
ses technicités et sa spiritualité. Elle souligne le principe du non abandon du patient, en
assurant une prise en charge jusqu’à la fin.
Les nouvelles techniques, ainsi que les avancées thérapeutiques ont permis une meilleure
connaissance des traitements avec maitrise et palliation des effets secondaires. Il existe un
diagnostic précis des syndromes qui permet un ajustement des traitements L’hôpital dispose
d’une équipe complète, fixe : psychologue, médecin « douleur », nutritionniste, kiné, et toutes
personnes des soins de supports.
Très souvent le malade souhaite une hospitalisation lorsqu’ il existe une privation physique
ou fonctionnelle (colostomie, amputation, trachéotomie…), appréhende la solitude à la
maison et craint la sortie. Dans ce cas l’hospitalisation se poursuit et il n’est pas rare de voir
des hospitalisations entre 5 à 7 semaines, quand le retour à domicile est souhaité et organisé
auprès du médecin généraliste ou d’une HAD. Cette continuité dans la prise en charge limite
le vécu d’abandon et la remise du PPS et d’un classeur favorise l’investissement du malade
dans son traitement. Car il est admis que le malade reçoit environ 30% des informations
qu’on lui délivre, cette pratique lui donne la possibilité et le temps de retrouver sa dignité et
de redevenir acteur de son suivi.
Quand les interactions se révèlent complexes entre le malade, la famille et les soignants,
tous peuvent bénéficier d’une prise en charge psychologique.
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Le Dr Guérin prend la parole. Il parle d’abord en tant que médecin de l’équipe de soins
palliatifs sur le pôle digestif à St Antoine, composée par ailleurs d’une infirmière, d’une
infirmière anesthésiste qui pratique la relaxation, d’une psychologue et d’une
musicothérapeute ainsi que de 4 autres médecins à temps partiel sur l’équipe.
Il existe des « lits identifiés » et l’équipe est appelée pour des symptômes auprès de malades
douloureux, atteints de cancer ou non. Les lits identifiés de soins palliatifs (5) représentent
une « unité administrative » à l’intérieur des services qui en possèdent, ce qui donne la
possibilité de répondre à la demande des malades qui souhaitent continuer la prise en
charge dans leur service d’origine.
• Une question lui est posée : « Qui annonce le passage du curatif au palliatif ? »
Réponse : le médecin oncologue, ou le chirurgien, etc…, en réunion, si besoin.
Le Dr Demil reprend la parole pour moduler :
On arrête les traitements curatifs en phase préterminale seulement, sinon on n’arrête pas
TOUT traitement, il existe des traitements qui peuvent procurer un « petit gain de vie » ou un
« confort de vie ». En outre on prépare en amont, avec un soutien thérapeutique, avant que
« les choses n’arrivent ».
Un débat s’ensuit sur les notions de « curatif » et « palliatif ». Michèle Monville rappelle
l’acception des mots : palliatif veut dire « cacher, recouvrir », alors que dans le mot guérir
nous avons déjà « protéger », dans curatif « prendre soin, avoir le souci de »( l’inverse de
n’en avoir cure) et dans soigner, « s’occuper de ».
Elle dit vouloir être provocante en indiquant que le mot palliatif va sans doute un jour
disparaître, puisque les soins dits « palliatifs » ne recouvrent plus la fin de vie, mais
correspondent plutôt maintenant à une chronicisation de la maladie, ce qui n’est pas connu
du public pour qui soins palliatifs reste synonyme de « fin de vie ».
Le Dr Guérin complète en soulignant que soins palliatif veut aussi dire « prendre soin de… ».
Les Drs Guérin et Demil sont d’accord pour dire qu’en effet la « phase palliative » ne
correspond plus forcément à la « phase terminale » et que de toute façon on prend toujours
soin du malade.
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Madame Isabelle Guillemot, psychologue à l’hôpital, prend à son tour la parole.
– Elle rencontre les malades dans tous les moments de leur maladie et à chaque
hospitalisation. Elle rencontre aussi les familles. Elle se présente dans chaque chambre,
donc au lit du malade le plus souvent, systématiquement et spontanément, ou bien sur
demande. Elle précise qu’elle accompagne chacun « là où il en est » et respecte les
« défenses ». Elle s’efforce de repérer les émotions, les pertes, l’acceptation… Sa présence
n’a pas d’objectif psychothérapeutique mais se situe dans l’accompagnement psychologique.
Il faut accepter que dans une famille chacun n’en soit pas au même point, ou même avec les
soignants. Elle présente l’exemple d’une jeune femme avec un enfant en bas âge qui pose
aux soignants par projection la question de l’acceptation.
– Elle parle ensuite de sa prise en charge des enfants d’un parent hospitalisé, elle répond à
des questions, prépare la visite dans la chambre en cas de branchements du malade, de
dégradations physiques, de fin de vie annoncée…
Elle peut aussi avoir à conseiller sur le comportement d’un enfant : par exemple, un enfant
ne tenait pas en place à l’école, sa maman le protégeait de l’hôpital et il montrait son anxiété
de ne pas revoir son papa et qu’il lui manquait. Mme G. a reçu l’enfant et programmé des
visites régulières.
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– Elle peut aussi aider les soignants à traverser des périodes angoissantes, en cas
d’impuissance devant une douleur ou une dyspnée qui ne cède pas, un décès de malade
jeune ou un mauvais pronostic. Elle peut être amenée à aider l’équipe ou chacun plus
personnellement. Elle a remarqué que lorsqu’il n’y a plus de soins invasifs et chronophages
les soignants peuvent être soulagés et se relaient auprès du malade comme des actions
contenantes du « tenir la main ». La maladie est souvent bruyante à travers les traitements.
Elle s’efforce d’être là lors d’un décès, toujours en accompagnement, être à côté de.
La parole est donnée à la salle.
• La première intervention concerne la question qui s’est posée à un proche devant un
malade en toute fin de vie : « allez-vous l’aider à partir » ?
Le Dr Guérin précise que cela peut vouloir dire aider « à partir – mourir » (provoquer sa mort)
ou aider à mourir « sans souffrir », sans hâter volontairement sa mort mais dans le sens de
l’accompagnement.
Nous avons la Loi Léonetti qui permet de limiter les soins qui n’ont plus d’intérêt ou qui sont
douloureux. Elle permet aussi de provoquer une sédation réversible.
En France la demande « d’euthanasie » n’est pas recevable. Le suicide assisté existe en
Suisse ou en Belgique.
En France on ne peut pas répondre favorablement à la demande « d’euthanasie ». Le
suicide assisté existe en Suisse et l’euthanasie en Belgique.
A propos de l’empathie que ce proche dit avoir ressentie, il est précisé que personne ne peut
se mettre à la place de l’autre : l’équipe doit rencontrer les proches pour dire ce qu’on peut
faire pour le malade et jusqu’où on peut aller.
Il existe des « échelles de douleur » utilisables lorsque le malade ne communique plus. Il
existe des signes cliniques, par exemple le réflexe cornéen, qui permettent d’aider à définir la
phase agonique du patient. Au cours de cette phase il est admis que le cerveau n’a plus de
perceptions, que le malade ne souffre plus et on l’explique à la famille. Au-delà, il s’agit du
spirituel et c’est un autre registre.
La personne qui a posé la question se dit rassérénée par les réponses apportées.
• La deuxième personne qui intervient dans la salle propose un travail sur le poids des mots
employés et sur un meilleur accompagnement des familles. Elle cite René Charr :
« l’impossible nous ne l’atteignons pas, mais il nous sert de lanterne ».
Elle demande des précautions de langage particulières et le maintien de l’espoir lors d’un
diagnostic qui annonce un pronostic a priori négatif.
Elle évoque les difficultés de se retrouver seule à domicile tant pour la malade que pour les
proches. Mme Pinilo précise que des accompagnements psychologiques peuvent se mettre
en place avec les modalités du dispositif des dérogations tarifaires du réseau. Après
entretien(s) et évaluation de la demande, le psychologue coordinateur peut orienter vers un
psychologue référencé par le réseau.
• Quelqu’un pose la question de ce qui existe comme soins de support en dehors de l’hôpital
et une infirmière libérale relate ses difficultés à répondre à la foule de questions qui lui sont
posées lors de ses passages à domicile, pendant le branchement ou le débranchement
d’une perfusion, alors qu’elle ne sait pas ce qui a été dit au malade : quoi répondre, risque de
dévoilement…
Le vocable « infirmière d’annonce » est mis en cause pour la violence du terme : ici on
préfère « infirmière d’informations et de coordinations ».
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Structures intermédiaires : sortir de l’hôpital
Le Dr Isabelle Grall prend la parole pour présenter sa structure : Soins de suite indifférenciés
au Perreux où il y a une reconnaissance de 15 lits de soins de suite oncologiques, ce qui
suppose plus de personnel. Le service comporte une équipe fixe avec une psychologue, et
un accompagnement pluriel. La structure se veut support dès l’annonce de la maladie et
dans tous les moments où le malade en a besoin, sur demande du médecin généraliste ou à
la sortie de l’hôpital.
L’hospitalisation dure en moyenne 1 mois, dans un but de retour à domicile, mais s’ils
investissent l’équipe et qu’ils le souhaitent, les malades peuvent rester « jusqu’au bout » si
besoin. Il s’agit d’une structure de soins de suite, donc qui ne donne pas d’accès à un accueil
palliatif d’emblée.
La structure se préoccupe aussi des proches.
Ensuite Fetha Laoudi , infirmière coordinatrice du réseau OEP, prend la parole.
Elle s’occupe des sorties d‘hospitalisation, et organise le passage vers les soins de suite, le
domicile seul ou le domicile avec une HAD.
Si le malade nécessite une Unité de Soins Palliatifs, elle organise aussi la sortie vers une
Unité ou vers un Réseau qui prend la malade en charge à domicile.
Elle sollicite toutes les aides possibles, ressources administratives, assistantes sociales, APA
(si la personne est en âge de la percevoir + 60 ans ), CAF, CRAMIF, Mutuelles….
Dans le cas extrême où la personne n’a pas de domicile, elle sera prise charge de façon
« tournant » dans les services de soins de suite.
• Une question se pose : combien de temps la CRAMIF peut-elle apporter son aide à la
sortie ?1
Une psychologue de ville indique que malgré tout des personnes se trouvent « hors
systèmes » et sans aide.
Mme Monville fait remarquer que l’aide de la CRAMIF ne va qu’aux assurés du régime
général.
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En ville, chez soi.
Le Dr Guérin reprend la parole en tant que médecin du réseau Oméga, soins palliatifs à
domicile.
Ce réseau couvre un large secteur et comprend plusieurs antennes (4 au total :
Fontainebleau, Lagny, Bry sur Marne, Meaux) afin de le couvrir. Le médecin travaille en
étroite collaboration avec le médecin généraliste de la personne malade. Le Dr Guérin
précise que l’intervention du réseau peut être sollicitée par tout le monde, le généraliste,
mais aussi l’infirmière libérale, la famille… La condition est qu’il faut que le malade ait un
généraliste (référent).
Chaque antenne du réseau Oméga possède un poste infirmier et un poste psy, mais il peut
prendre en charge une psychothérapie en mode libéral en ville. Il existe des fonds spéciaux
(appelés dérogations tarifaires comme dans les réseaux de cancérologie) pour les suivis
psychologiques faits par des psychologues libéraux référencés. Le réseau peut aussi
intervenir en coordination avec une HAD, c’est un fonctionnement très souple qui doit juste
répondre au souhait du malade.
1 A cette question, une recherche est en cours et sera ajoutée ultérieurement
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Il ne s’adresse d’ailleurs pas qu’à des malades d’oncologie mais à toute personne malade
porteurs d’une pathologie aggravée. Il prend en charge également des enfants, parfois sur
du long terme, car encore une fois, le « palliatif » ne recouvre pas forcément « la fin de vie ».
Il existe 17 réseaux de ce type en Ile de France (pour Paris : les réseaux Quiétudes et
Ensemble, pour le 93 : Arc en Ciel et Océane, pour le 94 : Oméga, Onco94Ouest).
La seule limite qui semble faire consensus à la table des intervenants, c’est la prescription de
la « sédation », qui demande nécessairement une mise en œuvre et une surveillance
hospitalière.
En dernier lieu le Dr Pailler donne maintenant la parole au Dr Gérard Lebas, médecin
généraliste à St Maur.
Il accompagne les malades atteints du cancer depuis l’annonce, et même avant l’annonce,
puisque le plus souvent il anticipe le diagnostic, demande les examens et prépare parfois le
malade à la mauvaise nouvelle.
Ensuite il énonce trois cas de figure :
– En cas de « bon pronostic » il suit de loin en loin la personne vers la guérison et
s’occupe des maux intercurrents, puis du sentiment d’angoisse, voire d’abandon qui
saisit la personne que les médecins hospitaliers « lâchent ».
– Il note que de plus en plus la maladie est plus ou moins contenue sans être guérie et
le malade doit « vivre avec » dans la chronicité. Le Dr Lebas se dit toujours à l’écoute,
ne donnant d’explications que lorsque le malade lui pose des questions, pas avant. Ce
qui est difficile c’est d’avoir à faire aussi avec la famille, les enfants, les amis…Il y a
une histoire familiale à comprendre, un vécu de chaque famille et aussi chaque
personne de la famille est singulière. Il faut donc être très à l’écoute, très prudent,
avoir bien appréhendé le cadre de vie.
– Si la maladie progresse malgré tout, « il faut se coltiner l’angoisse de mort », celle du
malade, celles des proches et la sienne propre, dans sa propre histoire. Toujours être
à l’écoute, accompagner, mais attention à l’empathie, on n’est jamais « à la place » de
l’autre, même si on a eu des expériences de vie similaires.
Le Dr Lebas évoque alors une malade qu’il a accompagnée jusqu’au bout : jeune femme de
43 ans, deux fillettes. Le « chez-soi » c’est où on était bien « avant »… L’HAD fait entrer la
maladie dans la maison, dans la famille : les cartons, les perfusions, les odeurs, le passage
des professionnels…Cette malade avait souvent besoin de retourner à l’hôpital, mais en
même temps elle avait besoin d’être là pour ses filles, il fallait s’adapter à elle en
permanence, passer la voir « pour rien », pour discuter…
L’accompagnement de cette malade s’est faîte avec la collaboration de Mme Monville
pendant les 15 derniers mois. Le départ en Unité de Soins Palliatifs a été abordé très en
amont, plusieurs semaines avant. Le formulaire téléchargé sur CORPALIF a été rempli à
trois (Mme V, Dr Lebas, Mme Monville). Mme V. a décidé de la date de son entrée et de
l’unité où elle voulait aller.
Le Dr Lebas souligne pour terminer que ces situations créent des liens très forts dont il faut
accepter d’embler de savoir qu’ils s’arrêtent.
• Une dernière intervention d’une personne de la salle a lieu pour remercier les apports
partagés de ce soir et de la mise en mot qui lui ont permis d’éclaircir des situations
d’accompagnement de proches.
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Michèle Monville vient clore la soirée en précisant qu’ « accompagner » veut dire partager le
pain, c’est-à-dire être là, assis là où en est l’autre, ni devant, ni derrière, s’efforcer d’être au
même lieu que lui.
Le Dr Pailler remercie les intervenants.
Nous nous retrouvons tous autour du buffet offert conjointement par le Réseau et
l’Association.