Participer à « Octobre rose » à notre manière…

Participer à « Octobre rose » à notre manière…
Selon la Ligue contre le cancer, Octobre rose est une campagne annuelle de communication destinée à sensibiliser les femmes au dépistage du cancer du sein et à collecter des fonds pour la recherche (1). Allons-nous y participer, et si oui, de quelle façon ?
 
 

Participer à « Octobre rose » à notre manière…

Par le 10 octobre 2023, actualisé le 10 Oct 23.

Selon la Ligue contre le cancer, Octobre rose est une campagne annuelle de communication destinée à sensibiliser les femmes au dépistage du cancer du sein et à collecter des fonds pour la recherche (1). Allons-nous y participer, et si oui, de quelle façon ?

Une opération commerciale

Dans la réalité, cette opération de communication a été importée en France en 1994 par le groupe Estée Lauder et le magazine Marie Claire, dans le but d’améliorer leur image de marque à des fins commerciales (2,3). On peut donc soupçonner que le « pink washing » n’est pas accidentel, mais constitutif d’Octobre rose. Ce qui explique les virulentes critiques de la Concertation citoyenne et scientifique sur le dépistage du cancer du sein, organisée par le Ministère de la santé, qui estime notamment que les femmes devraient « être informées du fait que cette campagne n’est pas d’initiative publique, et du fait qu’elle n’apporte pas une contribution à la seule recherche contre le cancer, puisqu’il s’agit en partie de drainer de l’argent vers des entreprises commerciales (notamment cosmétiques) investies dans cette opération » (3).

Des informations douteuses

Ce n’est pas pour rien que la Concertation citoyenne et scientifique parle de « marketing du mois de promotion d’octobre rose trompeur et outrancier ». Le glissement de la « sensibilisation » à la publicité mensongère est rapide et quasi-généralisé dans les médias grand public. Pour prendre quelques-uns des exemples qui apparaissent en premier sur la toile :
– pour Paris.fr, il ne s’agit plus de sensibiliser ou d’informer, mais de « promouvoir le dépistage précoce » qualifié de « primordial » et de soutenir la recherche qui « sauve des vies » (4).
– pour France-24, « Quand il est diagnostiqué suffisamment tôt, ce cancer a dans la majorité des cas un bon pronostic, avec une amélioration notable des taux de survie », et octobre rose est donc « « dédié à la prévention contre le cancer du sein » (5)
– un article de France Bleu – France 3 explique aussi que lors d’une manifestation d’octobre rose à Nancy, « des stands de prévention étaient installés », notamment pour « tester l’autopalpation »
La plupart des sites internet et des journaux de la presse écrite ou radio-télévisée reprennent les chiffres qui indiquent le nombre de cancers du sein par an ou le risque d’être atteint d’un cancer du sein.
Et bien entendu, aucun (ou presque) ne mentionne les effets indésirables du dépistage.

Dans la réalité

Le bénéfice du dépistage du cancer du sein par mammographie sur la mortalité par cancer du sein est contesté par de nombreux critiques. En effet les méta-analyses qui montrent ce bénéfice incluent des essais de qualité médiocre, probablement biaisés, et que si on retire ces essais de l’analyse, il n’y a plus de bénéfice démontré (7,8).
Le bénéfice en termes de mortalité totale (« amélioration des taux de survie ») n’est pas démontré, et ne peut d’ailleurs pas l’être, parce que dans les essais, il n’y a jamais eu un nombre suffisant de femmes pour tenter de le démontrer (7,8).
Quant à la palpation des seins par un professionnel et à l’autopalpation, leur bénéfice n’a jamais été démontré (9).
Et bien entendu, le dépistage consiste à détecter des cancers, et non pas à en empêcher la survenue. Ce n’est donc pas un acte de prévention. Comme l’explique le rapport de la Concertation : « une véritable information en matière de prévention consisterait à attirer l’attention des femmes sur des aspects liés à l’environnement et au mode de vie (alimentation, consommations, surpoids, alcool, tabac, exercice physique, maternités, etc.) importants pour prévenir différents cancers et d’autres pathologies chroniques » (3).

Les exagérations des promesses de certains promoteurs enthousiastes des mammographies de dépistage
des cancers du sein appellent la caricature !

Fausses croyances et légendes

L’effet de ces information biaisées, tronquées, ou inutiles, c’est qu’elles conduisent les femmes à fonder leurs décisions sur des bases fausses, comme l’ont démontré toutes les enquêtes où les croyances des femmes sur le cancer du sein ont été explorées. Par exemple, les femmes surévaluent leur risque de cancer du sein : elles le multiplient couramment par 7. Et elles pensent que le dépistage va diminuer ce risque. Ce qui est une déduction assez logique, puisqu’on leur parle de « prévention » et qu’on insiste sur le grand nombre de cancers du sein. Elles croient aussi que le dépistage va diminuer de moitié leur risque de mourir d’un cancer du sein, et qu’il va prolonger leur vie. Enfin la plupart des femmes interrogées pensent que le dépistage ne comporte aucun effet indésirable.

Ce dernier point est d’ailleurs partagé avec beaucoup de professionnels. Lorsque des effets indésirables sont mentionnés, ce sont en général les risques de douleur et d’irradiation directe lors de la prise des clichés mammographiques. Or ces risques ne sont certainement pas ceux qui ont le plus de conséquences sur la santé et la qualité de vie des femmes (10,11).

Respecter les femmes

Respecter les femmes, c’est respecter (aussi) leur droit de décider pour leur propre santé, après avoir été correctement informées. C’est une obligation déontologique, inscrite dans la loi, qui implique que le professionnel de santé soit suffisamment à son aise avec les concepts et les données pour répondre aux questions (12,13). Elle suppose aussi qu’il a appris à communiquer sur l’incertitude et sur le risque, en tenant compte des difficultés de lecture de certaines femmes. Et elle suppose enfin que le professionnel de santé dispose d’outils de communication efficaces, idéalement des tableaux de points ou de silhouettes et/ou des outils d’aide à la décision de plusieurs niveaux. Il faut évidemment qu’il en connaisse les avantages et les inconvénients, et qu’il sache s’en servir.

Une formation en ligne pour les professionnels de santé

C’est dans tous ces buts que l’association indépendante Cancer-rose a élaboré une formation entièrement en ligne destinée avant tout aux professionnels de santé (médecins, sages-femmes, infirmières de santé publique) mais aussi, aux manipulateurs radio, aux assistants médicaux et aux patients experts motivés.

Complète, variée et ludique, élaborée avec le regard de patientes, elle traite de ce qu’on sait, de ce qu’on ignore et de ce qui fait polémique à propos des bénéfices du dépistage et de ses effets indésirables. Elle aborde aussi longuement les techniques de communication permettant d’informer les femmes de manière à ce qu’elles prennent leur propre décision éclairée. Les trois parties :  bénéfices / risques / communication ont à peu près la même importance. La formation permet aussi de télécharger et d’apprendre à utiliser des aides à la décision adaptées à différents publics de patientes.

Les prochaines sessions auront lieu
– du 23 octobre au 11 novembre
– du 13 novembre au 02 décembre
– du 04 décembre au 23 décembre.
On peut s’inscrire à chaque session jusqu’à une semaine avant qu’elle se termine. D’autres sessions auront lieu en 2024, mais leurs dates ne sont pas encore arrêtées (a).
a- La formation est agrée par l’Agence Nationale du développement professionnel continu (ANDPC), si bien qu’elle est gratuite et indemnisée pour les médecins libéraux (aller sur mondpc.fr et chercher la formation n°99DZ2325001). Si on n’a pas de crédit ANDPC, on peut aussi s’inscrire directement à la formation en écrivant à formation.depistage.cancerrose@gmail.com. Tous les renseignements seront alors donnés sur les conditions et les frais de formation (qui servent tout juste à couvrir les frais). Car l’association organisatrice est véritablement une association sans but lucratif (14). Ce qui mérite d’être souligné !